PEOFI

Le mardi 3 mai, j’ai recommencé et j’ai obtenu la même satisfaction. Pendant quelques minutes, je me suis totalement débranché de mon environnement, de mes soucis professionnels de la matinée. Ce que j’avais fait ne ressemblait à rien mais je ne cherchais aucune explication à mes gribouillis. Aucun travail ; aucune ambition non plus. La pointe du stylo à encre noire qui glissait sur la feuille de papier de récup, le poignet pas assuré, ça me vidait l’esprit. Ca me libérait.

Le lendemain, après avoir mangé, j’allais écrire un nouveau texte. J’ai sorti une feuille de récup, comme chaque jour. J’ai pris mon stylo et je suis resté devant ma feuille, plusieurs secondes ; au moins une minute. Incroyable. Cela ne m’arrivait jamais. J’avais remporté mon challenge. Il fallait que je m’en trouve un nouveau parce que cela n’était plus assez dépaysant. Ce n’était plus assez motivant.

Sur cette feuille que je m’apprêtais à noircir de phrases, j’ai fait un trait, deux traits, trois traits et un quatrième trait. Ils étaient irréguliers, mal habiles, peut-être même laids. J’ai essayé de les prolongés de courbes mais j’étais maladroit. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire, à part me vider l’esprit un instant. Toujours le même but. Toujours la même envie…

Et ça a marché, instantanément. J’ai gribouillé certains endroits. J’ai fait d’autres traits et d’autres courbes et cela m’a fait du bien. C’était le vendredi 29 avril 2016.

J’ai repris mon poste, serein, disponible et opérationnel à la fois.

Mais au fil des semaines, mon esprit s’est de nouveau retrouvé coincé. L’écriture, je savais faire. C’était agréable mais il n’y avait pas de sensation inconnue. Il n’y avait pas ce côté suffisamment aventureux pour oublier là où j’étais.

Pour bien m’évader, il fallait que je découvre d’autres choses.

Alors, à partir du 28 avril 2015, je décidais d’écrire entièrement (ou presque) un texte tous les deux jours. C’était un challenge. Combien de temps cela durerait-il ? Qu’importe ! Ce challenge m’obligerait à chercher des sujets dans des domaines que je n’imaginais pas encore. Ce challenge me ferait fouiller dans mes souvenirs. Ce challenge me bousculerait et, qui sait, peut-être y trouverais-je d’autres choses…

Et j’ai écrit et écrit. J’ai fait appel à mes souvenirs. J’ai raconté mes petites histoires de Poilus de la guerre 14. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai écrit. J’ai choisi des mots sur des prospectus et j’ai écrit. Et plus j’écrivais et plus j’avais de nouvelles histoires à écrire.

Les PEOFI

J’avais, presque chaque midi, de 5 à 10 minutes de répit.

Un repas pris à la va-vite dans la salle de repas de ma société, entre deux coups de téléphone ou deux dossiers à suivre, ne permettait pas de faire une réelle coupure. En tout cas, cela ne le permettait plus.

Depuis 7 ans que je travaillais dans cette société, mon esprit avait de plus en plus besoin de faire le vide pendant ces quelques minutes.

C’était en 2015. Après un début d’année de doute, de peur et de colère que les attentats avaient provoquée, j’étais vraiment pas bien. Je devais fuir mon quotidien professionnel et donner une autre valeur à ma vie. Une coupure.

Pour faire cette coupure, j’ai d’abord fait ce que je savais faire le mieux en quelques instants : écrire une petite histoire.

C’était bien. J’avais une nouvelle plage de temps, en pleine journée, pour donner libre cours à mon imagination et l’exprimer. C’était une formidable bouffée d’air…